L’AUDIENCE DEVANT PILATE 

 

Lundi 16 septembre 2024

Semaine 12 : Jugé et crucifié

Thème général : L’évangile de Marc

 

Texte à méditer : « Pilate leur répondit : Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? ... Ils crièrent de nouveau : Crucifie-le ! Pilate leur dit : Quel mal a-t-il fait ? Et ils crièrent encore plus fort : Crucifie-le !» (Marc 15:9-14)

 

Tout au long du chapitre 15 de l’évangile de Marc que nous explorons cette semaine, l’ironie occupe une place prépondérante. Ainsi, il convient de disposer d’une définition précise de ce concept afin d’en saisir toute la portée. L’ironie se caractérise fréquemment par la présence de trois éléments essentiels : (1) deux niveaux de signification ; (2) une opposition marquée entre ces deux niveaux et ; (3) l’existence d’un individu ou d’un groupe qui, ne percevant pas l’ironie ou ne discernant pas la véritable nature des événements, ignore qu’il en sera ultimement la victime.

 

 Dans Marc 15:1-2, nous assistons à une concertation des dirigeants juifs au sujet de Jésus. Cette réunion marque la conclusion de leur plan visant à mettre Jésus à mort. Cependant, ils sont confrontés à une limitation de taille : les autorités religieuses juives n'ont pas le pouvoir de prononcer la peine capitale, une prérogative réservée aux autorités romaines. Cette contrainte motive leur recours à Pilate, le gouverneur romain, pour obtenir la condamnation de Jésus à la crucifixion.

 

Dans Luc 22:66-71, les chefs juifs terminent ce qu’ils considèrent comme le « procès » de Jésus. La question posée à Jésus, en Luc 22:70-71, concernant son identité de Fils de Dieu, vise à établir une base pour l'accusation de blasphème. Cependant, bien que Jésus ne nie pas son statut de Fils de Dieu, il ne commet aucun crime selon les lois juives. De plus, la règle des « deux ou trois témoins » évoquée dans la loi juive offrait une protection contre l'auto-incrimination, une disposition que Jésus semble respecter en gardant souvent le silence.

 

 Pilate, représentant de l'autorité romaine, interroge Jésus. Toutefois, le gouverneur romain n’a aucun intérêt dans un différend religieux interne aux Juifs. Son souci principal réside dans la stabilité politique. L’accusation de sédition, c'est-à-dire une tentative de renversement du pouvoir romain, est ce qui justifie son implication. Pilate cherche donc à savoir si Jésus se considère comme le « roi des Juifs », une prétention pouvant suggérer un défi direct à l'autorité romaine.

 

Face à cette question, Jésus ne reconnaît pas explicitement sa culpabilité. Il ne confirme pas les accusations, mais se contente de dire à Pilate : « Tu le dis. » Ce silence de Jésus peut sembler déroutant, mais il s'inscrit dans une logique plus profonde. En effet, il n'est pas venu pour établir un royaume terrestre, ni pour s'engager dans une querelle politique avec les autorités romaines. En se taisant, il refuse de collaborer à cette injustice flagrante, tout en restant fidèle à sa mission divine. Toutefois, les deux accusations reposent sur les mêmes faits : Jésus prétend-il être le Fils de Dieu, le roi des Juifs ?

 

À l’époque de l’Ancien Testament, Israël oignait ses rois; ainsi, il n’est pas difficile de voir comment le terme Messie (« l’oint ») pouvait être déformé pour signifier la revendication d’un hommage en tant que roi et, par conséquent, en concurrence avec l’empereur. Ainsi, l’accusation portée devant le Sanhédrin était un blasphème, tandis que l’accusation portée devant le gouverneur était la sédition, qui conduirait à la mort.

 

Pilate, en Marc 15:3-5, est surpris par le silence de Jésus face à des accusations aussi graves. Habituellement, un accusé dans une telle situation se serait défendu avec vigueur. Cependant, Jésus adopte une posture qui déstabilise Pilate, renforçant ainsi son étonnement et peut-être même ses doutes sur la légitimité des accusations.

 

Lorsqu’on examine Marc 15:6-10, Pilate tente de se sortir de cette situation en exploitant une coutume de libération d’un prisonnier durant la Pâque. Il pense pouvoir utiliser cette tradition pour libérer Jésus, espérant que la foule préférerait un homme innocent à un criminel notoire comme Barabbas. Toutefois, Pilate semble percevoir la rivalité entre les chefs juifs et Jésus, ce qui le pousse à chercher une solution diplomatique, espérant ainsi éviter de condamner un homme qu'il pense innocent.

 

Cependant, Marc 15:11 nous montre que les prêtres incitent la foule à demander la libération de Barabbas, un criminel coupable d'insurrection et de meurtre. Cette situation est hautement ironique : les chefs religieux, censés défendre la justice, plaident pour la libération d’un meurtrier tout en réclamant la mort de Jésus, qui n'a rien fait de mal. On peut se demander si, à un moment donné, les prêtres auraient dû se remettre en question et réfléchir à la logique perverse de leurs actions. Mais leur aveuglement spirituel les empêche de reconnaître l’absurdité et l’injustice de leur démarche.

 

Finalement, en Marc 15:12-15, Pilate se retrouve face à une foule qui, malgré les bienfaits reçus de Jésus, réclame sa crucifixion. Il est clair que Pilate n’est pas d’accord avec la demande de la foule, mais sous la pression, il cède. Cette volte-face de la foule, qui avait autrefois été bénie par Jésus, peut être interprétée comme l'influence directe de forces spirituelles maléfiques.

 

En prenant du recul, ces événements illustrent la manière dont des forces obscures peuvent pervertir la logique et la raison et influencer les décisions humaines, les poussant à accomplir des actes horribles sans véritable justification. Cela nous invite à réfléchir à d’autres situations, dans le monde contemporain, où des actes absurdes, illogiques ou malveillants se produisent. La présence du mal dans ces moments défie la raison et nous pousse à interroger les influences cachées qui peuvent modeler des comportements destructeurs.

 

Pilate se trouvait dans une position des plus délicates. D'un côté, il avait la responsabilité de maintenir la « Pax Romana » pour César à Rome, et de l'autre, il souhaitait rester en bons termes avec les Juifs. La Palestine n'était pas un poste particulièrement envié pour quiconque aspirait à progresser dans l'Empire romain. C'était un peu comme si l'on vous envoyait en région en tant que fonctionnaire de moindre importance, alors que vous souhaitiez vraiment être dans la capitale, pour côtoyer les capitaines et les grands de ce monde. L’Égypte et la Mésopotamie étaient les régions stratégiques, et la Palestine n'était qu'une zone entre les deux, sans réelle importance, tant qu'elle restait tranquille.

 

Ainsi, lorsqu'il fut confronté à cette affaire de « roi des Juifs », Pilate chercha probablement à s'en défaire au plus vite. Bien que Marc ne relate pas cet événement, Luc le rapporte : « Lorsqu’il sut qu’il relevait de la juridiction d’Hérode, il l’envoya à Hérode, qui se trouvait lui-même à Jérusalem en ces jours-là » (Luc 23:7).

 

Hérode, bien qu'ayant le titre romain de tétrarque (c'est-à-dire « chef d'une partie du territoire »), avait des prétentions à être considéré comme roi des Juifs. Pilate, voyant là une opportunité de se décharger de la situation, décida de lui envoyer Jésus. Bien que cela ne fasse pas partie du récit de Marc, il est intéressant de noter qu'Hérode attendait avec impatience de rencontrer Jésus. Il savait qui il était et connaissait son lien avec Jean-Baptiste. Toutefois, après avoir constaté que Jésus refusait de satisfaire sa curiosité, Hérode se moqua de lui et le renvoya à Pilate, ne souhaitant pas non plus s'impliquer dans la décision.

 

Finalement, Pilate céda à la pression de la foule et opta pour la décision la plus populaire en laissant les Juifs crucifier Jésus. Il est également intéressant de souligner que c'est à ce moment-là que Pilate et Hérode mirent de côté leurs différends et devinrent amis. Pilate était suffisamment perspicace pour comprendre que les chefs juifs réclamaient la crucifixion de Jésus par jalousie et ressentiment, mais, soucieux de préserver sa popularité, il préféra céder aux exigences de la foule.

 

Cette situation révèle plusieurs niveaux d'ironie :

·       Jésus, qui est innocent et a apporté des bienfaits à la communauté, est rejeté au profit d'un meurtrier.

·       Les autorités religieuses, qui devraient être les garantes de la justice, manipulent la foule pour condamner un innocent.

·       Enfin, Pilate, malgré ses efforts pour éviter une injustice, finit par céder aux exigences de la foule, illustrant l'ironie tragique de l'autorité qui se soumet à l'injustice populaire.

 

Ce passage montre ainsi comment l’ironie met en relief le contraste entre les apparences et la véritable signification des événements.

 

Heureuse semaine sous l’aile bienveillante de l’Éternel !

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog